Le capitalisme en question


A titre indicatif et dans le respect des sources, cet article contient des passages complets du livre « L’avenir n’est pas écrit » des scientifiques Axel Kahn et Albert Jacquard .
Entrons maintenant dans le vif du sujet :
Adam Smith (1723-1790), philosophe et économiste écossais, publia en 1776 ses « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations », premier grand traité du capitalisme libéral . Il croît en la convergence des intérêts individuels vers l’intérêt général . Libre- échange et concurrence sont pour lui les principes fondamentaux de la politique économique . Son œuvre influença toute l’école libérale .

La théorie libérale repose sur l’apologie de l’égoïsme . Quand vous lisez Adam Smith, vous trouvez ce type d’assertion :
« si vous trouvez du pain pour vous nourrir, ce n’est pas grâce à la bonté du boulanger mais, au contraire, grâce à son égoïsme . En effet, le boulanger s’est rendu au marché pour vendre son pain le plus cher possible, pendant ce temps, d’autres sont allés au marché pour acheter leur pain le moins cher possible . »
Or, d’après Adam Smith, c’est la rencontre de ces égoïsmes qui aboutit à un optimum collectif .
Aujourd’hui, la vision des Américains est tout à fait semblable.
« Soyez égoïstes, puisque de ce fait, vous améliorez le sort collectif . »
« Consommez , puisque de ce fait, vous améliorez le sort collectif et la performance économique du pays . »
Il s’agit d’une exhortation à gagner toujours plus d’argent, à consommer toujours plus, à faire n’importe quoi, puisque être bon citoyen, c’est être égoïste . Cela me paraît d’autant plus grave que c’est totalement faux .
Il s’agit avant tout d’une affirmation idéologique . Il est très facile de prouver que cela est faux en tenant compte de la finitude de la planète . La vision du capitalisme libéral pourrait se révéler exacte dans une société qui ne manquerait de rien, qui présenterait une infinie quantité de marchandises à échanger . Mais, à partir de l’instant ou la finitude existe, ce n’est plus vrai . Nous sommes sur une planète finie, avec des ressources finies, qu’on consomme extrêmement plus vite que leurs capacités de régénération naturelle, ce n’est donc pas vrai . L’exemple du pétrole qui disparaitra dans 50 ans, est flagrant .
Le pétrole va disparaître, il n’y aura rien pour les générations futurs . La ressource a été très mal gérée par son utilisation dans le cadre du capitalisme qui a initialement mal compris l’enjeu.
Certains (les pétroliers eux même) objectent : ils disent que l’augmentation des prix répond à la diminution des ressources et permettent de s’y adapter .
Suivant leur théorie, dans le cadre du capitalisme et dans le cas du pétrole, quand la ressource (le pétrole) devient moindre, le prix augmente, ralentissant sa consommation . Ceci pointe qu’ils n’ont pas du tout compris l’échelle chronologique du pétrole et son temps infiniment long de régénération . Bien sur, avec l’augmentation du prix du pétrole, sa consommation va baisser et inciter à passer à d’autres sources d’énergies hélas, l’augmentation des prix arrive bien trop tardivement .
En réalité, les prix du pétrole, auraient du être beaucoup plus élevés depuis le début, pour favoriser une utilisation du pétrole raisonnable et adaptée à son utilisation infinie (dans la mesure ou on le consommerait aussi vite que sa régénération) .
Cela montre que, le capitalisme tel qu’il est actuellement, ne fonctionne pas face à la finitude de la planète .
Accepter cette manière de gérer les ressources de la planète comme règle de vie (propre à la société de (sur)consommation capitaliste actuelle) me semble véritablement monstrueux .

Soyons maintenant encore plus complet :
Le libéralisme est une théorie très subtile, ce qui explique d’ailleurs, son extraordinaire succès .
Il repose sur le développement d’une relation contractuelle entre les individus dont l’objectif est d’optimiser le droit des personnes donc les droits de l’homme . L’un de ces droits fondamentaux est celui qui concerne la propriété . Dans la société libérale, le fondement de la société réside dans des contrats passés entre des individus qui s’accordent sur les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits naturels (ex : contrat de travail) .
Très rapidement, les fondateurs du capitalisme, David Hume, Adam Smith et bien d’autres, se sont aperçus que cette société là, fondée sur les notions de libre concurrence, de recherche du plaisir et de défense « égoïste » de ses intérêts, était de nature à engendrer de « choquantes » inégalités qui risquaient même de se révéler insupportables aux hommes doués d’ « empathie » (que nous sommes tous) c’est-à-dire de la capacité à se mettre à la place des autres comme l’a fort bien analysé Adam Smith lui-même . C’est la raison pour laquelle le libéralisme, avant de s’appliquer au monde économique, apparaît d’abord comme un système politique . Dans la pensée des fondateurs, la limite du champ d’intervention de l’économie d’abord, la limitation du champ d’intervention du souverain au domaine public et son respect de la sphère privée, sont de nature à permettre l’émergence de mouvements de protestation visant à atténuer les inégalités les plus choquantes et donc de compenser l’instabilité que risque sinon d’engendrer ces situations inacceptables .
C’est FONDAMENTAL .
Des inégalités sont engendrés par le système . Il est donc nécessaire de mettre en place un jeu démocratique et libéral, de sorte que la contestation en soit possible (grèves par exemple) .
Mais, ce fameux système, qui a triomphé de tous les autres, se trouve en sérieux danger aujourd’hui parce qu’il a négligé de maintenir ce qui le rendait si solide et cohérent c’est-à-dire sa capacité d’autorégulation, sous l’effet d’une contestation populaire des excès engendrés par l’accumulation des inégalités .
En effet, la mondialisation est un merveilleux moyen d’échapper à l’efficacité de la contestation locale .
L’entreprise désormais globalisée ne prête plus aucune attention à la contestation de l’ouvrier français ou américain .
Car ou bout du compte, ce que l’ouvrier national n’entendra pas faire, sera réalisé à l’étranger .
Donc, le libéralisme a mis en œuvre le moyen de s’exonérer de cette capacité de contestation de l’injustice qu’il engendrait .
Un autre moteur de la contestation, nécessaire au fonctionnement du capitalisme, un des plus importants, a également disparu : il s’agit du bloc communiste !
Le résultat de tout cela, depuis la chute du communisme, c’est que les inégalités ont augmenté de manière spectaculaire dans le monde entier y compris dans les nations riches . Ainsi, aux Etats-Unis, le rapport entre les salaires les plus élevés et les rémunérations les plus basses étaient de un à trente il y a vingt ans, aujourd’hui, il est passé de un à … deux cents (chiffres 2002, qui ont du encore s’aggraver).
Et, cette situation est vraie partout ! Le libéralisme reste puissant et global mais l’ivresse du profit a fait oublier les conditions dans lesquelles le système pouvait perdurer, en l’occurrence, la création de mécanismes d’autocontestation et de compensation de ses excès .
La victoire planétaire du capitalisme ainsi que son impudent triomphalisme, a fait, qu’enivrer par son succès et soulagé d’avoir exorcisé sa grande peur (=le communisme), il se déstabilise fondamentalement .
Le monde qu’il est en train de fonder, affaibli par ses inégalités croissantes, n’est pas supportable .
Par conséquent, il finira bien par ne plus être supporté .

En résumé, le capitalisme n’est plus adapté aujourd’hui ;
-d’abord, car il a dérivé et suite à la mondialisation, il a perdu ses outils d’autorégulation par contestation (les inégalités générées vont s’amplifier jusqu’à l’inacceptable);
-ensuite, car face à la discontinuité que nous venons de rencontrer tout récemment à savoir que nous avons pris conscience que nous sommes dans un monde fini avec des ressources finies, face à la finitude de la planète en terme de ressources, le système capitaliste basé sur la croissance économique et la consommation est actuellement, tel qu’il est, inadapté;
-enfin, car il n’a jamais totalement fonctionné, car il s’est toujours appuyé sur l’existence de pays pauvres maintenus dans la pauvreté pour assurer le fonctionnement aisé des pays riches (rapport des échanges Nord/Sud) .
Le capitalisme, pourtant un système auquel nous devions tout jusqu’à maintenant, semble donc maintenant vraiment en très grosse difficulté . (Et je n’ai même pas parlé de la crise financière actuelle 2008, de la spéculation boursière sur les matières premières alimentaires qui entraine des famines ou de l’augmentation incessante des prises de risque (subprime)) .
Il faut qu’il évolue, en terme de développement durable, qu’il réfrène la surconsommation, qu’il trouve aussi de nouveaux moyens de régulation des injustices, enfin, qu’il permette à tous les pays d’en profiter .
Ceux qui aiment le capitalisme, doivent insister sur « son évolution ou son remplacement », et sa « régulation » .

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