Ce sujet est assez ardu à vrai dire mais intéressons nous y un moment .
Tout l’article est strictement scientifique et n’est que le reflet exact des connaissances génétiques des plus grands chercheurs actuels . En particulier, cet article a été écrit après la lecture du livre « L’avenir n’est pas écrit » d’Axel Kahn et Albert Jacquard, sommité qu’il n’est plus utile de présenter .
Comme nous le savons, chaque cellule du corps humain est porteur d’un plan de tout l’organisme humain .
Ce plan est codé dans les 23 paires de chromosomes de chaque cellule .
Chaque paire de chromosomes est une molécule en forme de double hélice appelée ADN et constituée des nucléotides A, C T, G pour adénine, Cytosine, Thymine et Guanine .
Pour les informaticiens, ces nucléotides forment les 4 digits et codent en base 4 contrairement aux ordinateurs binaires qui codent en base 2 (0 et 1 correspondent à l’alphabet binaire).
L’ADN code donc tout le corps en base 4 et chaque mot est appelé gène .
Sur tous les chromosomes, on trouve donc des mots appelés gènes avec au total pour les humains, 30 000 gènes répartis sur les 23 paires de chromosomes . A titre indicatif, un grain de riz a un programme génétique de 50 000 gènes donc plus que nous .
Si, grâce seulement à 30.000 gènes, la nature peut coder l’intégralité d’hun homme pourtant fort complexe, c’est parce que ces gènes codent de manière « combinatoires » c’est-à-dire que ce sont des combinaisons de différents gènes qui peuvent coder différentes caractéristiques . Par ailleurs, un même gène peut intervenir dans plusieurs combinaisons .
En cela, l’ADN code de façon bien plus complexe et efficace que les codages informatiques actuels qui sont « non combinatoires ». Chapeau la nature !
Toujours dans la rubrique du sensationnel, et dans un débordement anthropocentrique vraiment inacceptable :–), on peut rappeler notre stupéfiante complexité en signalant que notre cerveau et le système nerveux d’un seul homme contiennent plus de 100 milliards de neurones .
Venons en maintenant à l’essentiel de la problématique .
Dans quelle mesure, le programme génétique influence il ce que nous sommes ?
En particulier, comment joue il sur nos comportements, comme la violence, l’agressivité, l’intelligence, l’alcoolisme ou l’homosexualité ? Sur les maladies ? Quel est la part des gènes et la part du vécu ?
A vrai dire, tout dépend des cas.
– Certains traits humains simples démontrent un lien direct avec les gènes car ils correspondent à des cas simples .
Par exemple, la mucoviscidose est transmise selon l’influence d’un seul gène.
Pour un gène donné, il y a la version du père et la version donnée par la mère contenue sur chaque paire d’un même chromosome .
La mucoviscidose est transmise de telle façon que les deux phénotypes « Sain S» ou « Malade M» sont associés à trois génotypes : (SS), (SM) ou (MM) . Mais, seul ce dernier (MM) entraine la maladie et donc le phénotype « Malade ».
On comprend alors que des parents sains puissent avoir un enfant malade, il suffit qu’ils aient eu tout d’eux le génotype (SM) et qu’ils aient eu tous les deux la mauvaise chance de transmettre le gène (M), ce qui se produit une fois sur quatre .
Insistons sur l’idée qu’il s’agit de cas simples . Ici, l’inné, c’est-à-dire le programme génétique, influe directement .
– La plupart du temps, le modèle est plus complexe et il faut introduire la notion de prédisposition .
Chaque génotype n’est plus lié à un seul phénotype mais à plusieurs . Le problème est alors de savoir avec quelles probabilités ces divers phénotypes sont réalisés pour un génotype donné .
Pour cela, on réalise des études en reconstituant des généalogies .
On peut citer le cas d’une étude de longue haleine réalisée par Albert Jacquard, des psychiatres et des généticiens des Hôpitaux de Paris concernant la transmission de la schizophrénie sur les généalogies de plus de 1300 personnes.
Chacune d’elle avait été cataloguée en différenciant trois phénotypes : « Sain », « Schizoïde » (=présentant certains troubles sans toutefois être véritablement schizophrène) et « Schizophrène » .
On a constaté que la transmission ne fait intervenir que deux gènes hypothétiques n et x, chaque personne avait donc l’un des trois génotypes (nn), (nx) ou (xx).
Selon ce modèle, les premiers étaient tous sains mais pour les deux autres génotypes, il fallait introduire des probabilités :
Les (nx) étaient soient « Sains » soient « Schizoïde » avec les probabilités 90% et 10% quant aux (xx), ils pouvaient avoir les trois phénotypes avec les probabilités suivantes : 35% « Sains » , 40% « Schizoïdes » et 25% « Schizophrènes » .
Insistons sur cet aspect probabiliste .
Il ne s’agit plus comme pour la mucoviscidose d’un cheminement causal entre un gène et un trait (=un phénotype) mais d’un lien probabiliste entre un génotype hypothétique et sa manifestation .
Présenter l’éventuel gène x comme le « gène de la schizophrénie » serait une tromperie .
Tout au plus, ce modèle signifie que la possession de ce gène en double dose serait nécessaire pour devenir schizophrène, nécessaire mais non suffisant, puisque les trois quarts des individus qui en seraient dotés échapperaient à ce destin .
Finalement, diffuser ce genre d’étude sans précaution est plus nuisible qu’utile car le public en retire l’illusion d’une explication déterministe du trait étudié alors que ce trait est le résultat d’une interaction subtile, et non élucidée, entre une dotation génétique et une aventure personnelle c’est-à-dire le vécu .
On peut dire d’une autre manière que la schizophrénie n’est en réalité que très peu génétique .
Ceci est confirmé par la concordance pour cette maladie psychiatrique chez les jumeaux monozygotes qui est de 50% .
En d’autres termes, si un des jumeaux est atteint de schizophrénie, l’autre a une chance sur deux d’en être victime à son tour . C’est en fait relativement peu, compte tenu que deux vrais jumeaux ont 100% de gènes identiques .
Et ce d’autant qu’en plus d’avoir les mêmes gènes, ils ont quasiment la même sensibilité aux stimuli sensoriels, le même aspect, la même image d’eux même, la même famille …
Dans bien des cas et cela peut être le cas de la schizophrénie (deux gènes n’est qu’une hypothèse), le nombre de gènes impliqués est très important et cela complique encore les interactions subtiles qui s’y associent . Admettons par exemple que la plasticité cérébrale (c’est-à-dire la capacité de mémorisation) qui est vraisemblablement une des bases de l’intelligence, naisse de la combinaison singulière de dix formes de gènes . La grande loterie de l’hérédité dans la descendance fera qu’il n’y aura aucune chance pour que deux enfants présentent la même combinaison de ces 10 gènes . Au-delà de 3 ou 4 gènes, l’héritabilité transgénérationnelle devient infinitésimale .
Dans tous ces cas, l’innée (les gènes) et l’acquis (le vécu) ont tous les deux un rôle .
– D’une manière plus générale, pour toute sorte de comportements comme l’homosexualité ou le développement de l’intelligence, la criminalité éventuellement, la question de savoir si nous sommes plutôt déterminés par l’inné ou par l’acquis n’a aucun sens . C’est 100% inné et 100% acquis .
Si je n’étais pas doté de gènes humains, je n’aurais pas de cognition humaine mais, si je n’avais pas été élevé dans une culture humaine (c’est-à-dire grâce à mon vécu culturel), je n’aurais pas la capacité d’utiliser ce cerveau pourtant génétiquement le même . Le cas des enfants sauvages élevés par des animaux sans contact avec la culture humaine le confirme .
De plus, même si des comportements sont prédéterminés génétiquement comme le désir sexuel (atout darwinien d’évolution pour nous et tous les animaux), parce que l’homme est confronté à la culture humaine qu’il a lui-même engendré, il est capable de se réapproprier ces comportements . Ce phénomène de réappropriation par l’homme, à travers d’une culture qui relève de l’acquis, des programmations pourtant innées, me paraît crucial . Ainsi, autour du désir sexuel qui amène les animaux à se contenter de ce simple désir et de ce à quoi il conduit, les hommes ont bâti 80% de l’art, de la poésie et de la peinture . Il s’agit d’une réappropriation . De même, autour de la peur, l’homme peut se la réapproprier en actes courageux .
Il est vraisemblable que certaines personnes sont plus enclines biologiquement à la violence que d’autres, mais cette même vivacité peut au contraire engendrer une vocation de polémiste ou bien de sportif de haut niveau capable d’aller jusqu’au bout de lui-même . La grande caractéristique de l’humain est l’augmentation des degrés de liberté dans l’exécution des déterminismes génétiques . Nous pouvons faire un usage bien plus diversifié des déterminismes génétiques que les autres animaux .
Au vu de ces derniers arguments, les propos irresponsables de certains dirigeants politiques doivent être condamnés .
En particulier, le nouveau président Nicolas Sarkozy avait parlé pendant sa campagne de la part immense de l’inné c’est-à-dire des gènes concernant les pédophiles, les suicidaires et les fumeurs cancéreux .
Au gré d’une interview publiée dans le dernier numéro de Philosophie Magazine de mars 2007, il se fait l’apôtre de théories plus que dérangeantes, selon lesquelles notre environnement, notre éducation et surtout notre libre arbitre seraient de peu de poids face à notre programmation génétique .
Il a soulevé un tollé parmi les candidats comme au sein des milieux scientifiques .
Je cite Mr Nicolas Sarkozy: ”J’inclinerais, pour ma part, à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense.”
Derrière ces propos bien trop caricaturaux par rapport à la précision nécessaire sur ce sujet, se cache une suite de mensonges et de contre vérités scientifiques qui sont de l’ordre de l’idée préconçue et pas de la raison cartésienne .
Axel Kahn avait répondu :
"La vision d’un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l’agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse" .
Pr Bernard Golse, pédopsychiatre avait répondu :
« Avoir des "facteurs de susceptibilité, de prédisposition, cela ne suffit pas pour devenir délinquant ou se suicider, il y a des effets de rencontres avec l’environnement au sens large: relationnel, psychologique, sociologique, politique, culturel" (…) " Il n’y a aucune prédiction possible parce que, par définition, les effets de rencontres sont imprévisibles, sinon notre vie serait entièrement écrite à l’avance" (…) En ce qui concerne la pédophilie il n’y a "pas la moindre preuve" de gènes de susceptibilité " . »
Il n’y a pas de déterminisme génétique absolue dans la plupart des cas . C’est d’ailleurs tout le but de l’article .
Cela est plus compliqué que ce genre de simplification simpliste et fausse .
Par ailleurs, le racisme se fonde également dans les esprits sur une détermination génétique qui est là aussi fausse .
J’apporterais ma contribution contre ce mensonge raciste dans un prochain article .