Le syndrome d’hubris ou la maladie du pouvoir


Cet article est inspiré d’un article du journal « Cerveau et Psycho » écrit par Sebastien Dieguez, neuropsychologue au « Brain Mind Institute » de l’école polytechnique de Lausanne.
Il s’intéresse à l’influence psychologique de la prise de pouvoir sur les hommes politiques et de la maladie qu’elle induirait parfois.
Dans son discours sur la condition des Grands, Pascal jugeait utile d’éduquer les futurs puissants en leur rappelant que leur futur pouvoir ne tenait pas qu’à leur capacité individuelle.
Ils ne sont pas plus doués que les autres et leur vanité vient souvent du fait qu’ils ne connaissent point ce qu’ils sont.
Les responsables les plus influents, les chefs d’états, influencent le destin du plus grand nombre. Aussi, leurs décisions doivent être tournées vers le bien collectif et reposer sur un jugement solide et objectif.
Hors, selon D.Owen, le plus jeune ministre des affaires étrangères britanniques, les dirigeants sont bien souvent victimes d’une pathologie psychologique liée à la détention même du pouvoir qui fausse leur objectivité et peuvent même les amener à des jugements grossièrement erronés.
Cette maladie est connue sous le nom de syndrome d’hubris (ou maladie du pouvoir).
D. Owen propose donc de créer une cellule de soins pour veiller et éviter que nos dirigeants en soient affectés.

Cette maladie est caractérisée par le narcissisme, l’arrogance, la prétention, l’égotisme, le culte de soi, la manipulation, le mensonge ou le mépris.
L’individu atteint ressent un sentiment d’invulnérabilité, d’invincibilité et de toute puissance.
Il cherche à exercer son pouvoir, a une image disproportionnée de sa propre valeur, donne beaucoup trop d’importance aux apparences et à ses propres jugements et ne sait plus écouter.
Le déclencheur de cette maladie est l’obtention du pouvoir suivi par sa croissance et sa centralisation.
Si l’ascension est irrésistible et populaire, cela envenime les choses.
Si l’homme politique est réélu, il se sent conforté et cela peut devenir catastrophique.
Cette maladie pourrait être dû aux effets nocifs des perturbations émotionnelles du stress très présent pour les plus hautes fonctions.
Sous son influence, le leader commence à prendre certaines libertés, qu’il justifie généralement comme étant sa « signature particulière » qu’il qualifie de « rupture » ou de « réformes ».
Le leader se met à saper l’autorité d’institutions normalement autonomes toujours afin d’exercer un pouvoir plus étendu.
Le leader écarte ceux qui l’ont déçu ou qui menacent son autorité.
Il pense savoir ce qui est bon pour tout le monde indépendamment des circonstances.
Sous Hubris, le leader surestime ses compétences et persiste dans des choix critiquables sans écouter les autres (proches ou opposition).
Le syndrome empire si le leader est réélu ou dans des contextes de guerre ou toute situation d’ampleur internationale comme la crise financière par exemple.
Sous Hubris, le manque de nuance et de compromis s’accompagne d’une agitation effrénée proche des hyperactifs.
Tout cela mène à une incompétence grandissante du dirigeant et à de nombreuses décisions erronées et dangereuses.
Hubris peut être constaté par tous, sauf par les principaux intéressés et leurs partisans.
On peut donner des exemples récents :
Tony Blair et Georges W. Bush, ont tous deux, après les attentats du 11 Septembre 2001, et la guerre en Irak, développé ce syndrome et manifesté ces symptômes.

Ainsi, sous son effet, ils sont tous les deux allés jusqu’à mentir délibérément à leurs populations respectives et au monde entier notamment en parlant de preuves d’armes de destructions massives totalement fictives.
Le sujet hubristique manque de nuances, est incapable de faire des compromis et caricature.
Georges Bush a ainsi prétendu libérer le monde du « bien » de l’axe du « mal » dans une caricature d’une situation pourtant fort complexe.
Dans notre histoire, des hommes comme Jules César, Napoléon Bonaparte ou Hitler ont pu en être atteint …
Selon les régimes politiques, les leaders hubristiques peuvent devenir des dictateurs ou, dans les démocraties, être, un temps, contenu par les instances de régulation présentes démocratiquement.
Pour David Owen, le leader hubristique atteint devrait être averti de son mal, soigné, et le cas échéant remplacé.

D. Owen ne s’intéressa pas dans son livre au cas de Nicolas Sarkozy mais uniquement à Tony Blair et Georges Bush, car, à l’époque, l’actuel président français venait juste d’être élu.
On peut cependant tenter une analyse :
Les termes utilisés dans de nombreux magazines consacré au président français parlent souvent d’ « abus de pouvoir » ou d’« hyper-président ».
Cette attirance à chercher à augmenter ses pouvoirs au delà du légitime est hubristique.
Un député UMP sous couvert de l’anonymat a déclaré au magazine Marianne:
« On dit qu’il est narcissiques, égotiste. Les mots sont faibles . Jamais je n’ai rencontré une telle capacité à effacer spontanément tout, absolument tout ce qui ne renvoie pas à lui-même. »
Là, l’importance accordée à lui même paraît hubristique.
De plus, à l’étranger, on le voit dans le magazine d’actualité international « Courrier International », le gouvernement et la presse française est régulièrement qualifiée de « cour monarchique».
Cette extension de son influence est hubristique car il cherche à avoir toujours de plus grands pouvoirs.
En Angleterre, il a sélectionné les ouvriers apparaissant sur une photo avec lui en prenant les plus petits et afin de le paraître plus grand. Cela montre une propension aux apparences hubristique.
Nicolas Sarkozy semble répondre à certains des critères de D.Owen pour le syndrome d’hubris.
Il a refusé de faire le bilan de ses deux premières années de présidence et cela peut être vu comme un rejet de toute critique. Il ne fait pas d’autocritique sur sa propre action. Il n’écoute pas les critiques et d’ailleurs il avait déclaré : « j’écoute mais je ne tiens pas compte ».
On connait aussi son goût pour la télévision. On parle de sarko show ou de télé sarko pour dénoncer ses velleités hégémoniques sur les médias. Il veut occuper le champ politico-médiatique comme s’y il s’agissait d’une scène: hubristique !
Il ne recule devant rien pour anéantir ses adversaires : « interruptions, mauvaise foi, plaisanterie, prises à parti, rhétoriques ».
Il a présenté Dominique de Villepin comme un coupable dans l’affaire Clearstream alors qu’il doit être présumé innocent pendant le jugement et alors que normalement le président est garant de l’indépendance de la justice et donc de la présomption d’innocence.
Il pose souvent des questions sous le ton de l’évidence désabusée :
« je devrais rester les bras croisés? Pourquoi, dans ce pays, on ne parvient pas à ..? »
Ce sont des manoeuvres verbales et des raisonnements biaisés.
Il se croit l’incarnation de l’évidence et du bon sens .
Ses propres mots sont révélateurs d’hubris.
Il n’hésite pas à donner des leçons aux autres alors qu’il fait sa propre éloge.
Le plus pertinent dans le diagnostique s’exprime dans ses mesures politiques :
Il intervient sur tout, remplace même le premier ministre, veut tout choisir, veut se présenter comme l’homme qui sait tout et fait tout. On parle d’ « omni-président ».
Bien sur, nous savons tous qu’il n’existe pas de super héros (« Je sais que je ne sais rien »Socrate) et que personne n’est omniscient et c’est pour cela que nos structures reposent sur des prises de décisions collectives (conseil d’administration dans les entreprises, décisions collégiales dans les hôpitaux pour les médecins, conseil des ministres, assemblée et sénat avec pluralité des avis et des partis représentés, conseil de classe dans les lycées et collèges …).
Pour les choix importants, tout doit être collectif.
Nous sommes heureusement revenus des « Alexandre le Grand, Darius le Grand ou Napoléon Bonaparte».
Si on concentre le pouvoir sur un seul homme, c’est l’échec tôt ou tard assuré, c’est un enseignement de l’Histoire.
L’incompétence hubristique de Nicolas Sarkozy n’est pas aussi grande que celle de G.W.Bush mais il a certains traits du syndrome.
Il a d’ailleurs déjà perdu le contact avec la réalité quand, devant l’UMP, il avait annoncé :
« Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. (Juillet ,2008)»
Dans le même temps, tous les journaux de 2Oh sur toutes les chaînes parlaient des grèves …
Il a une confiance excessive en son propre jugement.
Il a également fait des remontrances à la presse et notamment à l’AFP alors que c’est une institution autonome et neutre.
Si l’on en croît Le Point après son interview télévisé de fin septembre 2009 à New York, Nicolas Sarkozy était « à cran » et a tempesté après Arlette Chabot lui reprochant la nouvelle distribution du temps de parole pourtant décidée par une institution neutre, le CSA : « une humiliation d’un quart d’heure ».
Un sujet hubristique cherche à écarter tous ceux qui ne sont pas clairement de son côté.
Le 16 avril 2007, Joseph Macé-Scaron, l’ancien directeur du Figaro Magazine, affirme sur RTL qu’il a été « démissionné » du Figaro pour avoir refusé de céder à des pressions sarkozystes ; il estime que des menaces sont exercées par Nicolas Sarkozy sur l’ensemble des journalistes politiques.
Il parle en des termes très durs et très agressifs de la presse qui n’est pas de son avis comme celle d’opposition : Libération ou Marianne …
Il cherche à écarter tous ceux qui ne sont pas de son avis et vit la divergence d’opinion très mal : c’est hubristique.
Cela relève de l’intolérance.

Avec notre président, on est assez loin de Voltaire :
« Je déteste vos idées mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer. »

Certaines de ses citations expriment un manque de retenue et une vision simpliste :
« Vous en avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien, on va vous en débarrasser. »
« Le terme « nettoyer au Kärcher » est le terme qui s’impose, parce qu’il faut nettoyer cela »
« Je trouverais les coupables de l’affaire (Clearstream) et les feraient pendre “à un croc de boucher“ »
Pour autant, malgré cette analyse « à charge », le syndrome n’est pas clairement avéré car Nicolas Sarkozy présente effectivement des symptômes d’Hubris marqués mais pas les principaux.
Il faudrait avoir plus de recul pour valider le diagnostic.

Si il advenait à être confirmé, qui gardera les gardiens ?
Il nous faudrait des antidotes.
Toute démocratie devrait se préparer à anticiper les effets d’hubris sur leurs dirigeants.
Il existe des moyens rationnels:
-Démystifier la notion de secret médical pour les dirigeants
-Séparer les pouvoirs s’impose également depuis Montesquieu comme un moyen de se prémunir du débordement égocentrique des dirigeants
-Enfin, chaque membre du gouvernement peut démissionner pour dénoncer les excès hubristiques de leur supérieur. Ce serait là le meilleur moyen d’alerter l’opinion publique hélas ce genre de décision courageuse est très rare.

3 réponses sur “Le syndrome d’hubris ou la maladie du pouvoir”

  1. Les légionnaires et centurions et voire aussi les soldats sont des sujets à surveiller et a dénoncer car le chaos sera ordonner par des politiciens corrompus par leurs idées de puissance personnel et leurs bras armées : les militaires.
    La folie de soi même commence lorsque le pouvoir est détenue par une pincée d individu non croyant et qui ne respecte pas la vie humaine…
    Le pouvoir est illusoire et sans valeur car juste avoir plus d argent et de responsabilité ne permet pas d être supérieur aux autres…

  2. Le pouvoir est une impuissance donc une maladie comme l hubris est symptomatique des personnes qui gouvernent aujourd’hui, c est a dire perversion des sentiments à l égard du peuple et des électeurs qui votent.. L hubris est un amalgame de mensonge et de pouvoir qui sans fondement de partage se déclare inapte à représenter le parlement ou autre cellule de pouvoir centraliser. Une illusion de pouvoir radical ou croire être supérieur aux autres met en danger le reste du monde.

  3. Je pense que le problème de l hubris est démesurer car c est un facteur irrationnel de notre personnalité face à un pouvoir unique de grandeur. La réponse aujourd’hui hui n est plus politique ou le pouvoir infini, mais plutôt médicale et chirurgicale.. Il faut opérer le cerveau afin d éviter les manipulations de toutes sortes contre les êtres humains sans aucun pouvoir…

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